À l’aube de 2007, année des 18 ans d’Élianne, la vie est belle. Elle étudie en bio-écologie et se dirige en biologie marine. Elle est athlète en vélo de montagne, a un amoureux et part pour le Mali visiter son frère et sa famille... Élianne est heureuse. Jusqu’à la journée fatidique où sa vie bascule.
Les textes de cette chronique proviennent d'extraits de courriels envoyés à la famille par Jocelyne, sa maman. L’histoire d’Élianne m’a bouleversée et je voulais vous donner la chance de la lire. Pour vous faire connaître un peu Élianne, nous avons débuté cette chronique dans le numéro de mai 2017 par son voyage au Mali avec Jocelyne. Nous vous recommandons cette lecture préalable. MISE EN GARDE : certaines images et textes peuvent heurter la sensibilité des personnes non averties.
Pas question qu'elle se berce en écoutant la télé
HIVER 2009-2010
Petit hiver tranquille, fin des thérapies au Bouclier en décembre, Élianne a reçu son « diplôme » bien mérité. Elle a profité de l'hiver pour faire pas mal de raquette (nous aussi) et a même fait quelques essais en ski de fond, qu'elle devrait reprendre l'hiver prochain. Disons que pour l'instant sa cheville droite manque de stabilité et qu'elle risque de se blesser, mais avec une orthèse cela devrait aider. Comme les thérapies à Québec ont été interrompues tout l'hiver pour cause de locaux inadéquats, Élianne a repris la thérapie Padovan avec Isabelle à Blainville et on peut en constater les effets positifs à tous les niveaux. Je me rappelle encore que lors de la première séance, en septembre 2008, Isabelle faisait faire un exercice à Élianne en lui disant que l’objectif qu’elle voulait atteindre un jour c'était à la marche en position de « l'ours ». Et bien, elle y est : c'est comme marcher à quatre pattes, mais avec les jambes droites en arrière et les orteils bien ancrés au sol, tout un défi, moi je ne suis pas capable!!!
Gilbert étant moins occupé, il en a profité pour faire plusieurs sorties « scientifiques » avec Élianne : Musée de la Nature à Ottawa, Biodôme, Insectarium, Jardin botanique. Élianne peine toujours à reconnaître et à identifier les différents animaux, mais elle aime beaucoup ce genre de sorties. Comme elle y prend bien son temps pour tout lire, le fauteuil roulant fait son office et est très pratique dans ces situations ou pour les longues distances.
Plusieurs activités aussi avec le CAPTCHPL (Centre d’aide personnes traumatisées crâniennes et handicapées physiques Laurentides - l'association locale pour les traumatisés crâniens), mais Élianne est limitée pour ce genre de sorties puisqu'elle est sans véritable moyen de transport sauf un gentil bénévole, monsieur Émile. C'est une des raisons pour lesquelles elle désire aller s'établir à Montréal l'an prochain, se rapprocher des services et de ses amis qu'elle voit encore à l'occasion. À ce sujet, nous avons fait une demande auprès du Centre de réadaptation Lucie Bruneau et Élianne a été accepté sur leur liste d'attente pour une ressource d'hébergement. Nous aurions souhaité, elle aussi, un genre d'appartement supervisé, mais il n'y en a pas vraiment sauf pour des personnes qui ont besoin « d'heures-soins », par exemple un quadriplégique qui a besoin d'être aidé pour se laver, s'habiller, etc. Pour l'instant, ce qui sera possible, ce sera une maison avec 6 à 9 chambres, occupées chacune par des adultes (de 18 à 65 ans) ayant tous une déficience physique quelconque (traumatisme crânien, paralysie cérébrale, tétraplégie, sclérose en plaques, dystrophie, etc.) et avec des espaces communs et la présence de responsables en tout temps. Les intervenantes de L. Bruneau semblent avoir bien compris quel genre de personne est Élianne et chercheront une ressource où les gens sont actifs. Comme nous avons bien spécifié, nous ne sommes pas prêts (elle non plus) à ce qu'elle s'installe dans la chronicité et fasse du macramé et autres activités « occupationnelles » toute la journée en se berçant et en écoutant la télé!!! Ce sera une première étape, une première introduction à la grande ville avant un éventuel saut vers plus d'autonomie, ce dont je ne doute plus.
Petite visite à l’Hôpital du Sacré‑Cœur pour un suivi en ophtalmologie, son champ visuel est revenu à 100 %, comme quoi il faut laisser le temps faire son œuvre. Nous en avons bien sûr profité pour voir nos bons médecins. Quand Élianne a demandé au Dr Colin Verdant si elle le connaissait, il lui a répondu avec beaucoup d'humour : « Ben oui Élianne, on se connaît très, très, bien. Nous avons passé plusieurs nuits ensemble!!! », elle l'a trouvé ben drôle.
Aussi, nous avons profité de l'hiver pour qu'Élianne commence à prendre quelques petites leçons avec Pénélope (16 ans, fille d'un ami). Elles se voient une à deux fois par semaine et font du français, des maths du primaire, des exercices de clavier, des jeux cognitifs (genre happyneuron), etc. Pénélope donne des devoirs à Élie, ce qu'elle aime beaucoup, encore une fois, on reconnaît bien notre fille, elle aime travailler.
Jeudi 13 mai, 11 h : Élianne participe ce matin à une activité d'expression corporelle à Saint-Jérôme, elle s'entend très bien avec sa partenaire, une jeune fille atteinte de paralysie cérébrale et qui est en fauteuil roulant. Elles doivent, sans parler, suivre les mouvements de chacune et il paraît qu'elles s'accordent très bien, qu'elles ont une belle complicité et elles préparent un « spectacle ». Et moi, je procrastine en attendant d'aller faire un peu de bureau!
PRINTEMPS 2010
Nous avons bien débuté notre printemps par de belles vacances en République Dominicaine, genre de « pèlerinage » puisque nous étions près de Las Terrenas (péninsule de Samana) où notre fiston fut conçu!!! Le coin a bien changé, c'est toujours très beau, mais appelé à changer encore plus puisque de nouvelles routes sont en construction. Élianne nous a accompagnés et elle nous a suivis dans les excursions, entre autres la visite des grottes où s'étaient réfugiés les Indiens Taïnos pour se sauver des envahisseurs espagnols. Nous avons profité de ces vacances pour prendre des forces avant un été qui s'annonce chargé à tous les niveaux. Comme j'étais seule sur la plage tous les matins dès 6 h 15, j'ai profité de ces moments de solitude pour me plonger dans un ouvrage que je vous recommande fortement si le sujet vous intéresse : Les étonnants pouvoirs de transformation du cerveau, guérir grâce à la neuroplasticité par Norman Doidge, éd. Belfond ou Presses Pocket pour le format poche. L'auteur y parle de plusieurs recherches qui touchent différents aspects des problèmes neurologiques, des AVC aux troubles d'apprentissage et qui ont donné de bons résultats même parfois après de longues années suite à des lésions. Une vraie source d'espoir, la confirmation que depuis le début mes intuitions étaient bonnes.
Deux belles rencontres faites durant ces vacances : Christine, mère d'Alexandrine, jeune TCC de 25 ans (septembre 2008), et qui doit composer elle aussi avec une nouvelle réalité. Elles ont d'ailleurs séjourné pendant deux semaines à la clinique du Dr Taub en Alabama, celui-ci utilise une thérapie différente pour aider les gens à retrouver l'usage de leurs membres et il en était question justement dans le livre du Dr Doidge, et il paraît que cela l'a beaucoup aidée à retrouver un certain contrôle moteur. Une nouvelle amie, une autre « mère courage » pour notre club à Martine et moi!!! La dernière journée sur la plage, Gilbert et Élianne sont revenus de dîner en compagnie d'une dame... elle s'appelle Andrée et dès qu'elle s'est présentée j'ai su QUI elle était. Quand Élie était aux soins intensifs, les médecins se posaient naturellement bien des questions dans le genre « Est-ce qu'on fait bien de tout faire pour la sauver sans savoir quelle sera sa qualité de vie par la suite, quelles seront les séquelles, combien ce sera difficile pour elle et sa famille, etc., etc.??? » Le Dr Verdant m'avait justement donné en exemple une infirmière dont le conjoint avait eu un TCC quelques années auparavant, elle les avait suppliés de le sauver malgré les graves complications, et elle le regrettait à présent puisque les séquelles et sa nouvelle personnalité étaient très difficiles à vivre pour toute sa famille. Et bien, vous l'aurez deviné... C'ÉTAIT ELLE! Tout un hasard! Nous avons bien discuté et nous en sommes arrivées à la conclusion que sa réponse et la mienne aux questions des bons médecins étaient bien différentes l'une de l'autre. Elle a dû se résigner, après 5 ans, à « placer » son conjoint, il est maintenant à la Maison Martin Matte. Elle nous a dit avoir observé Élianne toute la semaine, sachant très bien QUI elle était puisqu'elle l'avait vue à l’Hôpital du Sacré‑Cœur même si elle travaille dans un autre département, et elle lui a dit qu'elle était très bonne, très courageuse et qu'il ne fallait pas qu'elle lâche. Elle nous a aussi conseillé de nous inscrire à l'AQTC de Laval/Montréal en prévision du futur déménagement d'Élianne et parce qu'il y a plus d'activités et plus de jeunes qui y participent.
(suite au prochain numéro)