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Le goût des autres : ma première poutine

Nous sommes le 12 juin 2021 et ce soir je vais manger ma première poutine. La première de toute ma vie. 

Cela méritait-il vraiment une chronique? me demanderez-vous. Du reste ce fut la réaction première de mon éditrice quand je lui en ai parlé…

Si vous ne savez pas ce que c’est, je vous le dis tout de suite : la poutine est le plat emblématique du Québec. Il se compose de frites de pommes de terre, de sauce à la viande et de fromage « squik squik ». 

Dans l’absolu, pour la Française que je suis, pas de quoi se rouler par terre…

Seulement cette poutine, nous en parlions et nous l’attendions depuis plus de six mois. 

À notre arrivée à Winnipeg, l’Accueil francophone nous a proposé des cours d’anglais, que je suis depuis assidûment deux fois par semaine. 

Neuf mois après notre arrivée, je peux dire que si nous ne sommes pas repartis, comme certains le font aujourd’hui, c’est sans aucun doute grâce à ces cours d’anglais. Car bien plus qu’un cours de langue, ces rendez-vous bihebdomadaires nous ont permis de créer des liens avec d’autres personnes, des nouveaux arrivants comme nous et d’autres qui sont là depuis un peu plus longtemps. Ces moments sont des espaces de dialogue où on se raconte aussi parfois. Les liens se créent, les affinités se dessinent. 

Et puis un jour on se dit que ce serait bien de se rencontrer « en vrai ». Car depuis le début, tous nos cours se font sur Zoom. 

Ah oui! Ce serait tellement bien de se retrouver « dans la vraie vie »!

On prend date. Youpi! Et puis on rentre en code rouge... Alors on fait des apéros sur Zoom. 

C’est un bon début pour commencer à se connaître « en dehors des cours ». 

À la fin du code rouge, on peut à nouveau voir des gens. Mais pas plus de deux personnes d’un même foyer. Ah zut, nous sommes trois couples. Donc pour la poutine, il faudra encore attendre.  

Les restrictions ont l’air de vouloir s’assouplir… On va enfin pouvoir se voir. On reprend date. Youpi! Mais en fait, non, les restrictions deviennent à nouveau plus strictes. 

Bye bye la poutine. 

De rage mon mari en commande une en livraison à domicile. Telle une jeune fille je me réserve pour la poutine de Robert. Je ne veux pas en connaître d’autre avant, j’attendrai donc patiemment. Et je traverse cette nouvelle déception, me demandant si un jour viendra où nous la mangerons enfin cette sacrée poutine. 

Vous l’aurez bien compris, ce n’est pas juste la poutine que j’attends et dont je rêve. C’est bien plus que cela. C’est le fait de pouvoir sortir de chez moi, m’apprêter pour aller dîner avec des amis. Car oui ces personnes sont devenues des amis, depuis tout ce temps que nous échangeons. Alors je ne sais pas quel goût aura cette poutine, mais je peux d’ores et déjà vous dire que cette soirée aura un goût de liberté retrouvée.  

Winnipeg, 13 juin 2021

Eh bien voilà, hier, j’ai enfin dégusté ma première poutine!!!!! Et je peux vous dire que c’était la meilleure poutine de la terre! Non seulement parce que Robert est un vrai spécialiste et que sa sauce maison était exceptionnelle, mais aussi parce que nous avons passé une merveilleuse soirée entre amis.

Un dîner, dehors, tous ensemble, que nous attendions depuis plus de six mois. J’ai goûté chaque instant avec délectation. La joie du « être ensemble », simplement, sans artifice, autour d’un feu. 😊

La joie de partager avec de nouveaux amis, comme si on se connaissait depuis toujours. 

Simplicité. Authenticité. Amitié. Pour moi, cette pandémie nous aura appris à revenir à l’essentiel, aux choses « vraies » de la vie. 

Et pour moi, maintenant, la joie et la liberté auront à tout jamais le goût de la poutine de Robert. 

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On était tellement contents d'être ensemble qu'on a complètement oublié de prendre des photos.

Crédits : Camelia.boban - Own work, CC BY-SA 4.0

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