Réconciliation rime avec éducation
On me demande souvent d’où m’est venu le désir de faire cette chronique. À la suite d’un été 2021 très mouvementée, j’ai voulu créer une plateforme quelconque pour parler d’enjeux et de justice autochtone. Lorsqu’il eut la confirmation de l’existence de sépultures sur d’anciens sites de pensionnats autochtones, d’innombrables personnes m’ont écrit pour me poser des questions en espérant que je puisse y répondre.
Questions d’élèves après avoir écouté le balado.
En septembre, mon idée avait mûri et j’ai proposé à Yan Dallaire d’Envol 91 FM, la radio communautaire du Manitoba, de faire une chronique chaque deux semaines qui porterait sur la réconciliation avec les peuples autochtones en mettant l’accent sur les actions concrètes qu’on peut prendre. L’événement qui nous a propulsés à la démarrer rapidement fut la première Journée de vérité et de réconciliation, jour de commémoration nationale pour les survivant·es des pensionnats autochtones, qui se déroulait le 30 septembre 2021 : la Journée du chandail orange.
D’où est venue la Journée du chandail orange?
Après un faux départ, la Commission de vérité et de réconciliation (CVR) a commencé son travail en juin 2009. La CVR est l’un des résultats de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI), le plus grand recours collectif de l’histoire du Canada. C’est le recours collectif et l’entente qui a déclenché la mise sur pied de la Commission de vérité et de réconciliation.
La CVR avait été créée et mandatée pour aller dans les communautés récolter les témoignages d’anciens pensionnaires, ainsi que pour organiser des événements nationaux. Le premier événement national eut lieu à Winnipeg, en juin 2010. Ensuite, il s’est tenu à Inuvik (2011), à Halifax (2012), à Saskatoon (2012) et à Montréal (2013). En septembre 2013, à la suite de mon engagement de deux ans dans le projet RéconciliACTION, j’ai voulu être témoin pour entendre les histoires; je me suis donc rendue à Vancouver, où avait lieu le prochain événement national. (Celui à Edmonton, étant le dernier en 2014.)
Avec Marie Wilson
et Sœur Norma McDonald
Avec L'honorable juge Murray Sinclair
et Sœur Norma McDonald
L’honorable juge Murray Sinclair et Marie Wilson sont deux des trois commissaires de la Commission de vérité et de réconciliation à Vancouver en septembre 2013.
La Journée du chandail orange est le résultat d’événements entourant le rassemblement national à Vancouver. Lors de son mandat, la Commission de vérité et de réconciliation a visité plus de 70 communautés, mais invitait aussi les communautés à faire des événements communautaires et des activités publiques de sensibilisation. Le « Commemoration Project Reunion » a eu lieu au lac William en Colombie-Britannique en mai 2013, avant l’événement national de Vancouver. Ce projet était la vision du chef Fred Robbins, lui-même un survivant du pensionnat autochtone de la Mission de Saint-Joseph (St. Joseph Mission Residential School) qui a ouvert ses portes en 1891 et les a fermées en 1981. Lors de cet événement, les anciens pensionnaires ont été invités à témoigner de leurs expériences, mais ont aussi été invités à suivre un chemin de guérison et à s’engager dans un processus de réconciliation. L’honorable juge Sinclair a donné le défi à tous les participants de continuer à garder le processus de réconciliation en vie de façon continuelle et quotidienne.
C’est lors du « Commemoration Project Reunion » que la survivante Phyllis (Jack) Webstad a partagé son histoire.
Elle est rentrée au pensionnat autochtone à l’âge de 6 ans. Avant sa rentrée, sa grand-mère lui a proposé d’aller acheter un nouveau chandail pour sa première journée d’école. Phyllis a trouvé un chandail orange qui scintillait. Elle était tellement fière de l’habit qu’elle avait choisi pour sa première journée. Mais dès la rentrée, on lui a enlevé son chandail orange, et on lui a enfilé un uniforme d’école. Dès ce moment-là, elle a compris dans sa tête d’enfant « Je ne compte pas. » En tant qu’enfants autochtones, « Ils ne comptaient pas. » Quand ils pleuraient seuls dans leur lit, « Ils ne comptaient pas. » Quand ils avaient des problèmes, « Ils ne comptaient pas. » Phyllis eut la vision d’organiser un événement pour affirmer que chaque enfant compte, d’où est venue la fameuse citation qui représente maintenant tout un mouvement : « Every Child Matters / Chaque enfant compte ».
Affiche de la 1ʳᵉ Journée du chandail orange en septembre 2013
La première Journée du chandail orange s’est donc déroulée après le grand événement national à Vancouver en septembre 2013. La date choisie, soit le 30 septembre, coïncide avec le temps de l’année où les enfants retournaient dans les pensionnats.
Depuis, cette journée semble prendre de l’ampleur. On commémore chaque année la Journée du chandail orange. En plus de porter un t-shirt orange, c’est une journée d’éducation et de sensibilisation au sujet des pensionnats autochtones, où l’on met en évidence les témoignages d’anciens pensionnaires. D’ailleurs, dans les écoles, le mouvement a pris de l'ampleur et l'on prend le temps d’éduquer les élèves au sujet du système des pensionnats.
Phyllis a écrit quelques livres et ressources (certains disponibles en français) pour partager son expérience. « Le chandail orange de Phyllis » s’adresse aux enfants de 4 à 6 ans.
Première journée de vérité et de réconciliation
La 1ʳᵉ Journée de vérité et de réconciliation s’est déroulée le 30 septembre 2021. La création de ce jour férié fédéral est le résultat d'amendements législatifs apportés par le Parlement. Le 3 juin 2021, le projet de loi C-5 a reçu la sanction royale.
C’est une journée de pause et de commémoration pour les enfants disparus et pour les survivant·es des pensionnats, leurs familles et leurs communautés.
Logo pour la Journée de vérité et de réconciliation
Vers la fin du mandat de la Commission de vérité et de réconciliation, le Centre national pour la vérité et la réconciliation a été créé comme site d’archivage permanent pour les 7000 déclarations d’anciens pensionnaires et les cinq millions de dossiers. Hébergé à l’Université du Manitoba, le centre a aussi la tâche d’éduquer et de rendre les ressources accessibles au public.
Dans le cadre de la Semaine de la vérité et de la réconciliation 2021, le CNVR a rendu publiques les séances enregistrées (la plupart en anglais) et diffusées dans les salles de classe à travers le pays. Non seulement y avait-il des témoignages d’anciens pensionnaires, mais on a parlé de revitalisation des langues autochtones, de danses, de musique et d’artisanat. Julie Desrochers, une jeune femme métisse de la Rivière-Rouge, copropriétaire de Prairie Owl Beads, a partagé ses connaissances sur le perlage métis.
La Fondation autochtone de l’espoir est un autre organisme qui a pour but d'éduquer et de sensibiliser le public quant au système des pensionnats autochtones, ses impacts intergénérationnels, ainsi que la rafle des années 60. Parmi les ressources, il est possible d’écouter les témoignages de gens qui ont donné leur permission de se faire filmer afin d'éduquer le public.
L’éducation est la clé
La réconciliation, c’est un cheminement. On ne peut pas s’attendre à changer les choses du jour au lendemain. L’honorable juge Sinclair, l’un des commissaires de la Commission de vérité et de réconciliation, a dit que nous avons eu 500 ans de colonisation, ça pourrait prendre 500 autres années pour renouer la relation entre les peuples autochtones et les non autochtones. Son appel est vraiment porté sur l’éducation et l’écoute des témoignages des anciens pensionnaires, d’écouter les familles qui ont subi les traumatismes intergénérationnels, d’écouter les communautés qui ont subi ce génocide.
Le résultat de la Commission de vérité et de réconciliation a été les rapports, en plus des 94 appels à l’action. Les actions visent différents secteurs de notre société. Plusieurs visent l’éducation sous toutes ses formes. L’intention derrière cette chronique a toujours été l’éducation. L’honorable juge Sinclair l’a répété à plusieurs reprises : c’est l’éducation qui nous a mis dans cette situation, c’est l’éducation qui va nous en sortir.
« L’éducation est le nouveau bison » - sculpture à La Fourche / Nestaweya
L’éducation par l’entremise du balado (et du Nénuphar)
Depuis que j’ai commencé cette chronique, je m’amuse beaucoup à la faire parce que c’est une façon pour moi de partager mes connaissances sur la réconciliation et les perspectives autochtones. J’aime aussi partager ce que je découvre en effectuant mes recherches.
Pour en savoir plus sur la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens (CRRPI), la Commission de vérité et de réconciliation (CVF), ainsi que sur la Journée du chandail orange/Journée de vérité et de réconciliation, vous pouvez écouter l’entièreté du premier épisode de la chronique RéconciliACTION à Envol 91FM.