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Le couvent et l’école (suite)

J’étais très familier avec le couvent parce que je servais la messe souvent, et même deux messes par matin, pour le curé et le vicaire. Ensuite en revenant pour les classes, j’y allais pour livrer le la it du matin. À l’Halloween, c’est moi qui avais été choisi pour prendre les barrières en fer et les accro    her au bout des épinettes, et le lendemain les décrocher.

Ce qui ajoutait à la cérémonie d’entrée c’était le demi-baril en bois verni utilisé comme boiserie dans l’entrée. Gros comme un baril de 25 gallons coupé en deux. Une fois tourné vers les visiteurs, on pouvait y déposer différents objets tels qu’un paquet ou un gallon de lait qui permettait à la religieuse responsable de tourner le baril et de prendre le paquet, tout en disant un gros merci. Rendu au premier étage, il y avait, entre autres, des salons de réception, la cuisine, la salle à manger et un petit d’entrepôt. Dans la cave, c’était bien ordinaire : le chauffage, la buanderie, les entreposages.

Dans les deux autres étages au-dessus, il y avait la chapelle tout près du haut de l’escalier avec une petite sacristie, quelques bancs réservés au public. Il y avait un beau grillage discret qui était ouvert pour des occasions comme la communion. C’était difficile de tenir la patène et de regarder de l’autre côté du grillage en même temps. Le reste du haut, c’était surtout un dortoir et des chambres à coucher. Plus vieux, on nous demandait de faire certains travaux, d’enlever et de remettre les fenêtres doubles ou autres choses, et c’est là qu’on se rendait compte que c’était du monde comme nous autres. Au début, je me souviens, elles avaient un grand jardin. Elles étaient occupées à faire de la mise en conserve, des confitures de toutes sortes comme nous autres d’ailleurs. Il ne faut pas oublier qu’elles hébergeaient des filles de l’endroit comme pensionnaires et aussi des étrangères, pour accommoder des élèves qui venaient de loin et pour en remettre d’autres sur le bon chemin. Pour quoi que ce soit, elles étaient beaucoup appréciées par la majorité d’entre nous, mais trop souvent tenues pour acquises et pas toujours appréciées par certains de ceux qui les entouraient.

Je veux ajouter quelques mots au sujet de la chapelle. Elle avait un cachet tout à fait spécial. En haut de ce grand escalier qui faisait du bruit, on arrivait dans une chambre de 15 pieds sur 20 pieds avec un autel de proportion, tassé par les gens qui y venaient. C’était facile de s’y recueillir et les cérémonies qui demandaient de l’encens ajoutaient à la chaleur de la pièce. Parfois trop chaud avec nos manteaux d’hiver, vu qu’il n’y avait pas de vestiaire. C’est là que j’ai vu l’abbé Roy se retourner, comme je vous l’ai dit plus haut.

Dans nos moments libres, nous avions été choisis pour vider la grosse fosse septique qui accommodait le couvent. La raison principale, c’est que mon père Adonaï était l’un des premiers à avoir une fosse septique chez nous. Il l’avait construite lui-même cette fosse avec l’aide des ingénieurs du gouvernement en remerciement pour son travail dans le Nord. Tout ça pour vous dire que nous avions inventé des façons diplomatiques pour vider cette fosse septique. C’était un baril de 45 gallons installé sur le traîneau de l’étable tiré par un cheval. Il suffisait de plonger une chaudière attachée au bout d’une perche et de la transvider dans le baril jusqu’à tant que le baril soit plein.

Ce n’était pas tellement agréable d’aller répandre cela dans les champs. Même la jument Queen n’appréciait pas tellement cela. Elle le démontrait très clairement en poussant les oreilles par derrière. Tout cela pour vous dire que quand les sœurs ont entendu que nous nous étions installés pour faire ce travail, elles se sont empressées de nous demander de faire leur part. Après quelques fois, nous sommes tous arrivés à la conclusion que c’était trop pour faire le travail à la main et elles ont trouvé un camion équipé en conséquence. J’aimerais ici vous parler de nos compagnons qui nous suivaient à l’école. Vous vous souvenez des deux bernaches qu’Angèle soignait sur son perron et qui passaient l’hiver dans l’étable à la chaleur avec les chevaux. En été, quand il faisait beau, ces mêmes bernaches marchaient avec nous et nous accompagnaient à l’école en passant devant l’église et le couvent. Quand elles avaient de la difficulté à garder le pas, surtout celle qui s’était cassé une patte et qui avait repris un peu de travers, elles descendaient à la rivière et nous attendaient à l’écluse pour compléter le trajet à l’école un peu plus loin. Un bon matin, ayant accompli ses responsabilités, la bernache retournait à petits pas sur le trottoir pour reprendre la rivière et la maison. Une cuisinière laïque, nouvellement embauchée par les sœurs, vit une bernache sauvage à pied devant le couvent. La cuisinière s’empressa d’aller chercher une pioche derrière le couvent et revint en toute hâte pour mettre fin à ce fier oiseau. Je n’ai jamais mesuré en paroles l’intelligence de cette personne, mais laissez-moi vous dire que je ne l’ai jamais oubliée! Une bernache qui marche sur le trottoir sans peur, ça ne se tue pas! Faut être imbécile.

L’école était à la vue du couvent. La résidence de M. Albé Morrison se trouvait entre les deux. Je signale ce monsieur, parce qu’il a été l’homme d’entretien pendant des années. Comme celui que j’ai eu à la Villa Youville, M. Joachin Paillé. Ils étaient tous les deux des hommes responsables, aimaient leur ouvrage et donnaient un service exemplaire, au-delà de ce qui était stipulé et précisé dans les contrats. Chose qu’il est difficile de trouver aujourd’hui. M. Morrison, un vieux garçon, aimait jouer aux cartes à la salle de billard de M. Ménard du village tout en fumant un bon cigare qu’il tenait dans sa main, où il manquait un pouce. L’école principale d’Élie consistait en quatre classes. Elle accueillait des élèves du niveau de la 1ʳᵉ à la 11ᵉ année. Il fallait aller ailleurs pour des études plus avancées, soit à Saint-Boniface ou à Saint François Xavier, parce qu’eux aussi pouvaient accommoder certaines personnes comme nous. Quand une personne s’était rendue en 9e année pour les garçons et 10ᵉ ou 11ᵉ année pour les filles, c’est tout ce à quoi on pouvait s’attendre.

(suite au prochain numéro)

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