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Les travaux d’été (suite)

Un jour, Norman nous accompagna sur le radeau et pour attirer notre attention, il nous cria « Regardez, je vais faire comme Tarzan » et, les mains les premières, se glissa doucement à l’eau. Après un bout de temps, plus de Norman, seulement un grattage sous nos pieds, et tout à coup une grande main blanche apparue sur le côté du radeau avec son propriétaire derrière criant pour de l’air. Sauf, mais un peu humilié. Une fois le nouveau pont construit par la municipalité devant chez Marcel, notre Norman était encore le premier à faire un plongeon du haut du garde-fou. Au moins vingt pieds de hauteur. Voilà Norman parti, les bras allongés devant lui. Nous étions témoins d’un vrai désastre, il s’était enfoncé dans deux pieds de vase, trois pieds d’eau et tout le reste qui dépassait. Une chance qu’il a frappé un trou de vase.

Notre passion, au printemps, c’était d’expérimenter sur la rivière avec nos radeaux, nos bateaux (faits par nous-mêmes). Quand, au printemps, l’eau s’était accumulée au-dessus de la glace, c’était amusant de se promener sur cette glace molle qui roulait devant le tracteur, et une vague d’un pied qui menaçait de nous engloutir si on avait le malheur d’arrêter, c’était un autre problème.

Après un long hiver de neige et de froid et un long printemps occupé par les excès d’eau et les chemins boueux, il fallait qu’on se mette à l’ouvrage pour faire face à un long été. Je dis long, parce que quand on est plus petit, le temps nous semble long entre le mercredi des Cendres et Pâques, entre Pâques et la fin des classes, entre la fin des classes en juin et l’ouverture des classes en septembre; et finalement, on avait l’impression que Noël n’arriverait jamais.

L’été enfin arrivé sur la ferme, il fallait synchroniser les travaux de peur qu’ils ne s’accumulent et qu'ils ne soient pas faits à temps. Il fallait refaire les clôtures à proximité de l’étable pour sortir les animaux. Cela nous permettait de faire le grand ménage non seulement dans l’étable, mais aussi dans le poulailler et les autres bâtiments existants. Il fallait nettoyer les débris accumulés dans nos grandes cours. Souvent, les racks à foin avaient besoin de réparation. Les sleighs mises de côté, il fallait graisser les essieux de wagons, aussi bien les petites roues en fer que les grandes roues de bois qui étaient d’une grande utilité sur nos chemins de terre. Il suffisait de desserrer l’écrou ou le gros taraud si vous voulez. Il fallait nous assurer que nous avions assez de moulée pour l’été, alors nous préparions avec nos agrains suffisamment de moulée pour en avoir jusqu’à la prochaine récolte. Cette moulée nourrirait les vieilles poules qui avaient fini de pondre ainsi que les poulettes qui étaient presque prêtes à prendre la relève et fournir des œufs à notre famille nombreuse.

Avant que les champs ne soient prêts à être travaillés, il fallait nous assurer de cribler le grain ou d’acheter du grain de semence. La semeuse qui servait une fois par année avait toujours besoin d’être nettoyée ou bien réparée, pour qu’elle soit prête au moment voulu. Nous nous servions encore des chevaux pour les travaux des champs. Il fallait s’assurer de les gâter un peu après avoir passé l’hiver dans le bois à travailler dans la grosse neige. Ce qui se faisait beaucoup à Kapuskasing en Ontario. Par le fait même, mon père avait acheté un tracteur Ford 8N, il pouvait faire le travail de quatre chevaux. Ça prenait moins d’avoine, mais beaucoup plus d’essence. Ordinairement, les labours avaient été complétés avant les neiges de l’an passé. Alors, aussitôt que les champs étaient assez asséchés pour que l’engin puisse y circuler, on les préparait pour les semailles ou la jachère. Nous avions toujours un ou deux morceaux de terre en jachère pour qu’elle se repose, et nous, ça nous donnait la chance de nous débarrasser des mauvaises herbes. C’était important surtout pour récolter du blé enregistré. Nous avions toujours un champ de betteraves à sucre, parce qu’on avait les mêmes résultats. Les betteraves n’épuisaient pas le terrain, et comme il fallait les sarcler, on pouvait détruire en même temps les mauvaises herbes de tout genre. Les semailles de betteraves à sucre se faisaient en dernier, et il nous fallait appareiller la semeuse pour qu’elle sème quatre rangs bien espacés pour accommoder le cultivateur à betteraves à quatre rangs et l’arrache-betteraves à un rang.

Il y avait beaucoup d’entraide entre les fermiers pour que tous les champs soient ensemencés dans le bon temps, sans cela, il n’y a pas de récolte. Les cultures demandaient de la pluie après les semailles et une ou deux fois avant les récoltes. Les betteraves à sucre demandaient deux rondes à la pioche et étaient cultivées trois ou quatre fois avec soin pour les récoltes à l’automne avant le gros froid.

Au début de l’été, il fallait installer aussi nos nouvelles abeilles dans leurs ruches bien nettoyées. Avant la venue des fleurs, il faut les soigner au sirop et surveiller que chaque ruche ne tue pas la reine, ce qui causerait un vrai désarroi. Le miel se ramasse après les récoltes. Nous en avions de 800 à 1000 livres chaque année.

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(suite au prochain numéro)

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